RÉSUMÉ
Le mois de décembre 2015 marque le troisième anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention de Kampala1 une Convention novatrice qui oblige les gouvernements africains à protéger les droits des personnes forcées de fuir leurs maisons en raison de conflits armés, de violence, de violations des droits humains et de catastrophes naturelles.2 Parce qu’elle définit les responsabilités des Etats, la Convention est un jalon important pour la protection de près de douze millions de personnes déplacées internes (PDI) à travers le continent.
En décembre 2015, 40 des 54 Etats membres de l’UA avaient signé la Convention et 25 l’avaient ratifiée.3 En devenant parties à la Convention, les gouvernements reconnaissent qu’ils sont responsables de la protection et du bien-être des personnes déplacées de leur pays.
Cependant, la mise en oeuvre de la Convention est lente. Les personnes déplacées en Afrique son trop souvent victimes d’abus et de discrimination. Les « droits inhérents aux personnes déplacées » que la Convention vise à protéger leur sont souvent refusés.
Pour les presque six millions de femmes et de filles déplacées en Afrique, les violations sont particulièrement graves. En raison de leur genre elles sont souvent confrontées à la violence, l’expulsion forcée et la discrimination, entre autres violations, et leur accès à la Justice est limité.
Le défi pour les États parties est de garantir que près de douze millions de personnes déplacées puissent bénéficier de la Convention de Kampala. Ce document d’information montre que les gouvernements peuvent répondre à leurs obligations pour les femmes déplacées en appliquant des lois nationales déjà existantes, tout en concevant des réformes juridiques pour mettre en oeuvre la Convention.
Une préoccupation particulière concerne les droits des femmes au logement, à la terre et aux biens. A travers le continent les femmes souffrent du déni des droits de propriété matrimoniale, de l’exclusion de l’héritage et du manque d’accès à la Justice. Ces pratiques empêchent l’accès des femmes au logement, aux terres et à des droits de propriété à un moment où leur survie peut en dépendre. Elles minent les stratégies de survie des femmes dans le déplacement et empêchent le retour et la réintégration. Cela limite leur potentiel pour s’engager dans le relèvement de leur pays et encourage un cycle de pauvreté et de violence, qui étouffe le développement. Pour beaucoup de femmes déplacées, la violence physique, sexuelle, structurelle et sociale qu’elles éprouvent se prolonge bien au-delà de la signature des accords de paix.
A l’heure du troisième anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention de Kampala, le défi pour l’Union africaine et ses États membres est de promouvoir la mise en œuvre intégrale de la Convention, et de garantir que les femmes et les filles bénéficient de ses mesures de protection.
Ce rapport formule des recommandations pour améliorer cette protection pour les femmes et les filles déplacées, en mettant l’accent sur les droits au logement, à la terre et aux biens. Il propose quatre moyens pour que les gouvernements remplissent leurs obligations envers les femmes déplacées en appliquant les lois nationales existantes et en mettant en oeuvre des réformes juridiques pour se conformer à la convention.
Le rapport est basé sur le travail d’envergure réalisé par le NRC dans certains des pays africains ayant les plus hauts niveaux de déplacement, parmi lesquels le Soudan du Sud, la République démocratique du Congo (RDC) et la Somalie, qui pris ensemble comptent plus de 5,3 millions de personnes déplacées.4 Les programmes d’assistance juridique du NRC au Soudan du Sud, au Libéria, en Somalie, en RDC, en République centrafricaine et en Côte d’Ivoire ont identifié un certain nombre de défis importants pour les femmes déplacées et des moyens concrets pour y répondre.
La mise en oeuvre de ces recommandations nécessite une volonté politique de la part des gouvernements afin qu’ils poursuivent la tâche commencée en 2009, lorsque la Convention de Kampala est née. Elle nécessite également de porter une attention particulière aux besoins des femmes et des filles déplacées, qui font face à des obstacles majeurs et à des abus avant, pendant et après le déplacement.
Les recommandations sont également cohérentes avec la vision inclue dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine, qui prévoit un avenir d’égalité des genres, dans lequel les femmes peuvent développer leur potentiel en tant que moteurs de changement. Pour accomplir ceci il convient de mettre un terne à des pratiques néfastes qui nient aux femmes leurs droits au logement, à la terre et aux biens. Heureusement, les lois nationales interdisant ces pratiques et les garanties d’égalité fortes présentes dans les constitutions nationales peuvent déjà être utilisées pour soutenir ces objectifs et la mise en œuvre de la Convention de Kampala pour les femmes déplacées.
Les États membres de l’Union africaine doivent adopter une stratégie plus globale pour protéger les femmes déplacées en Afrique, soutenir leur potentiel de reconstruction de leur propre vie et catalyser le changement dans les économies post-conflit. La décision de faire de 2015 l’Année de l’autonomisation des femmes vers l’Agenda Afrique 2063, suivie par 2016 Année africaine des droits de l’homme, mettant en particulier l’accent sur les droits des femmes, ainsi que le deuxième plan d’action sur la mise en œuvre de la Déclaration de Kampala, sont des occasions de rendre la Convention opérationnelle pour les femmes déplacées en Afrique.